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Au rythme des tambours du Tassili : la Sebiba de Djanet

À Djanet, la tradition reprend vie : bienvenue à la Sebiba, entre spiritualité et danse guerrière.

Chaque année, au cœur du désert algérien, la ville de Djanet devient le théâtre vivant d’une tradition millénaire : la Sebiba. Cette célébration patrimoniale, aussi connue sous le nom de « danse de l’épée », n’est pas qu’un simple rite folklorique : c’est une cérémonie sacrée, à la fois spirituelle, artistique et communautaire, profondément ancrée dans l’histoire du Tassili N’Ajjer.

Sebiba : un rituel aux racines profondes

La Sebiba se déroule durant le mois de Moharrem, qui marque le début de l’année hégirienne. Elle coïncide notamment avec la fête religieuse d’Achoura, célébrée le 10e jour du mois. Pour les habitants de Djanet, et particulièrement les ksour (quartiers traditionnels) d’El-Mihane (anciennement El-Mizane) et d’Azelouaz, la Sebiba est bien plus qu’une date sur le calendrier : c’est un moment sacré de mémoire collective, de paix retrouvée et de valorisation identitaire.

Sebiba
Sebiba

Selon la tradition, cette célébration commémore la délivrance du prophète Moussa (Moïse) des griffes du pharaon. Mais au-delà de cette symbolique religieuse, la Sebiba marque aussi l’union et la réconciliation entre deux quartiers jadis opposés, dans un pacte rituel de paix renouvelé chaque année.

L’épée comme symbole de bravoure et d’honneur

Au cœur de la cérémonie, se trouve la fameuse « danse de l’épée », ou « Kili T’sibiya ». Cette danse guerrière, exécutée exclusivement par des hommes, est l’aboutissement de plusieurs jours de préparation appelés localement « Timoulaouine ». Les participants revêtent leurs plus beaux habits traditionnels, appelés « Aghelay N Tikmessine », et se livrent à des chorégraphies parfaitement synchronisées, rythmées par le son des tambours et accompagnées de chants poétiques.

Les poèmes chantés, véritable patrimoine oral transmis de génération en génération, exaltent la bravoure, la loyauté, l’histoire de la communauté et les valeurs de paix.

Le point d’orgue : le duel symbolique

La cérémonie atteint son apogée lors de la scène de clôture, appelée « Aghelay N Outay », un simulacre de duel entre deux représentants guerriers des ksour. Ce moment théâtral et intense ne vise pas à désigner un vainqueur, mais à sceller un pacte symbolique : celui du passage à une nouvelle année dans la paix et la solidarité.

Ce rituel représente également un acte fort d’appartenance à la communauté et un engagement à préserver les traditions face aux mutations de la modernité.

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Festival Sebiba : la célébration millénaire des Touaregs

Un patrimoine immatériel reconnu, mais fragile

La Sebiba n’est pas restée dans l’ombre. En 2014, elle a été inscrite par l’UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, en tant qu’expression authentique de la culture touarègue et du patrimoine saharien.

Cependant, malgré cette reconnaissance, la Sebiba fait face à plusieurs défis. Le dérèglement climatique, l’urbanisation et la perte d’intérêt des jeunes générations menacent la pérennité de cette tradition.

Le commissaire du festival, Nacer Bekkar, a notamment souligné lors de la dernière édition que la chaleur accablante avait limité la présence du public, bien que l’organisation fût jugée très satisfaisante.

Un appel à la préservation

Plus qu’une fête, la Sebiba est un pilier de la mémoire vivante du Tassili N’Ajjer. Elle incarne la résilience d’une culture nomade, sa capacité à se réinventer sans se renier. Elle est une source d’inspiration pour le pays tout entier et un trésor à protéger.

À travers la danse, la poésie, les tambours et l’épée, Djanet nous rappelle que l’identité ne se conserve pas seulement dans les livres, mais aussi dans les gestes, les chants et les traditions transmises dans l’arène du désert.

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