Le zellige, mosaïque ancestrale, bientôt inscrit au patrimoine culturel immatériel algérien
De la Qal’at Beni Hammad à l’UNESCO : le zellige algérien confirme sa place au patrimoine mondial
L’Algérie s’apprête à franchir une étape majeure dans la reconnaissance de son patrimoine culturel. Selon une annonce récente du directeur du Centre national de recherches en préhistoire, anthropologie et histoire, l’art du zellige sera officiellement inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2026, marquant une victoire symbolique après plusieurs années de débats autour de l’origine de cet art ancestral.
Cette décision intervient après le dépôt d’un dossier en 2023 visant à faire reconnaître cette technique décorative comme un élément essentiel de l’identité culturelle algérienne. Les autorités culturelles du pays soulignent que ce choix vient clore un débat sur la paternité de cet art, souvent associé à la mosaïque traditionnelle du Maghreb.
Qu’est-ce que le zellige ? Un art architectural ancestral
Le zellige désigne un art décoratif composé de pièces de carreaux de céramique émaillée formant des mosaïques géométriques complexes, traditionnellement utilisé pour embellir façades, murs, sols, fontaines et monuments. Les tesselles colorées sont façonnées à la main, découpées puis assemblées sur un mortier pour créer des motifs symétriques et polychromes.

Cette forme de mosaïque trouve ses racines profondes dans l’architecture islamique du Maghreb et de la péninsule Ibérique, héritage de techniques qui remontent à la mosaïque romaine et byzantine. On retrouve ainsi le zellige sur des monuments religieux, des palais et des espaces publics à travers l’Afrique du Nord et l’Andalousie.
Les preuves historiques de l’origine algérienne
Le dossier algérien pour l’UNESCO s’appuie sur des preuves archéologiques et historiques solides qui attestent que cet art a été pratiqué très tôt sur le territoire aujourd’hui algérien. Parmi les principaux éléments avancés :
- Qal’at Beni Hammad (M’Sila) : Cette citadelle du XIᵉ siècle, fondée par la dynastie hammadide, a livré lors des fouilles des vestiges de zellige d’une qualité remarquable, considérés comme l’un des plus anciens exemples de cette technique en Afrique du Nord.

- Tlemcen, centre de développement artistique : La ville historique de Tlemcen, sous les Zianides (1235-1556), fut un lieu majeur où le zellige a connu un essor artistique exceptionnel, avec des compositions uniques en termes de couleurs et de motifs.

Les défenseurs de l’inscription rappellent que certaines pièces anciennes de mosaïques zellige provenant de Tlemcen sont aujourd’hui conservées au Musée du Louvre à Paris, témoignant de l’ancienneté et de la maîtrise de cet art en Algérie.
Une fierté culturelle et touristique
La reconnaissance par l’UNESCO du zellige comme patrimoine immatériel algérien est perçue par de nombreux experts comme une victoire majeure pour la valorisation de l’identité culturelle algérienne. Au-delà de la simple symbolique, ce label pourrait renforcer la visibilité internationale de l’artisanat traditionnel, tout en stimulant les secteurs du tourisme culturel et de l’artisanat local.
Des initiatives récentes, comme l’organisation du premier Forum national du zellige à Chlef, témoignent de l’intérêt croissant pour cette discipline artistique, qui serait désormais promue comme une ressource importante pour le développement durable et la mise en valeur des savoir-faire ancestraux.
Un débat régional sur l’appropriation culturelle
La démarche algérienne s’inscrit toutefois dans un contexte régional complexe. Depuis plusieurs années, la question de l’attribution du zellige fait l’objet de tensions entre l’Algérie et le Maroc, où cette technique est également considérée comme partie intégrante du patrimoine traditionnel, notamment à Fès, Marrakech et Meknès.
Des disputes ont même surgi lors d’expositions ou de compétitions, suscitant des débats publics sur la notion de patrimoine partagé ou exclusif. Malgré ces divergences, certains chercheurs rappellent que l’art du zellige est le fruit d’un héritage maghrébin ancien, façonné par des influences culturelles croisées sur plusieurs siècles.
Vers de nouveaux horizons pour le patrimoine algérien
L’inscription du zellige au patrimoine culturel immatériel ouvre la voie à d’autres candidatures ambitieuses portées par l’Algérie auprès de l’UNESCO, visant à préserver et valoriser d’autres formes d’expression culturelle traditionnelle. Que ce soit dans l’architecture, la musique, les arts ou les rites sociaux, la stratégie culturelle nationale semble désormais axée sur la protection et la promotion durable des savoir-faire ancestraux.
















