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Gara Djebilet : le projet du siècle qui redessine l’avenir industriel de l’Algérie

Le désert de Tindouf devient le cœur battant de l’Algérie industrielle.

Parmi les projets économiques les plus ambitieux de l’Algérie indépendante, le gisement de fer de Gara Djebilet, situé dans la wilaya de Tindouf, s’impose aujourd’hui comme une véritable révolution industrielle. Longtemps resté en sommeil en raison de défis techniques, logistiques et politiques, ce projet entre enfin dans sa phase active, porté par une volonté politique affirmée, des partenariats internationaux solides et une vision industrielle claire.

Une réserve stratégique d’envergure mondiale

Le gisement de Gara Djebilet, découvert en 1952, renferme près de 3,5 milliards de tonnes de minerai de fer dont le potentiel exploitable est estimé à plus de 50 millions de tonnes par an à partir de 2026, selon les données fournies par le ministère de l’Énergie et des Mines. Dès la première phase, la production pourrait atteindre 4 millions de tonnes par an dès 2025.

Gara Djebilet
Gara Djebilet : Entre ambitions industrielles et défis à relever

Un tournant technologique : fer enrichi, phosphore réduit

L’une des grandes entraves historiques à l’exploitation du site résidait dans la forte teneur en phosphore du minerai, jugée incompatible avec les standards internationaux. Grâce à des recherches locales et au partenariat stratégique avec la société chinoise Sinosteel, l’Algérie est parvenue à abaisser la teneur en phosphore à 0,17 %, tout en élevant le taux de fer à 65 %, comme l’a confirmé l’ancien ministre Amar Tou dans une étude technique détaillée.

Un partenariat algéro-chinois à l’échelle industrielle

Ce progrès a permis à l’Algérie de contractualiser avec la Chine dans le cadre d’une coopération stratégique 2022–2026. Le professeur Omar Haroun, économiste et expert en énergie, souligne dans une interview à Echorouk que la Chine considère l’Algérie comme un maillon clé dans sa nouvelle Route de la Soie, notamment grâce à sa situation géographique et à ses ressources naturelles.

Infrastructures : une colonne vertébrale logistique en construction

Pour connecter ce gigantesque gisement aux réseaux de transport nationaux et internationaux, un chemin de fer de 950 km reliant Gara Djebilet à Béchar est en cours de réalisation. Le président Abdelmadjid Tebboune a personnellement lancé les travaux en novembre 2023. Ce tronçon ferroviaire facilitera l’acheminement du minerai vers les complexes industriels à l’ouest et vers les ports d’exportation.

Un projet structurant pour l’industrie sidérurgique

La matière extraite alimentera plusieurs complexes industriels stratégiques :

  • Le complexe Tosyali à Oran, en pleine expansion pour la production d’acier plat

  • L’usine Bellara à Jijel, en partenariat algéro-qatari

  • Le nouveau complexe sidérurgique prévu à Béchar, avec un démarrage prévu en 2030 pour la fabrication d’équipements ferroviaires

Tosyali Algérie
Tosyali Algérie

Ces unités permettront à l’Algérie de réduire fortement ses importations de fer et d’acier, actuellement estimées à plus de 12 millions de tonnes de ferraille par an, coûtant près d’un milliard de dollars.

Un levier économique et géopolitique

Le projet devrait générer à terme jusqu’à 14 milliards de dollars par an de recettes d’exportation et créer plus de 25 000 emplois directs et indirects selon les projections du ministère de l’Industrie. L’économiste Ali Bey Nasri, vice-président de l’Association nationale des exportateurs algériens, estime que ce projet pourrait à lui seul porter les exportations hors hydrocarbures de l’Algérie à plus de 30 milliards USD.

Intégration régionale et équité territoriale

L’économiste Fares Habach souligne que Gara Djebilet est plus qu’un projet minier : il est un moteur d’intégration du sud-ouest algérien dans la dynamique économique nationale. Il permettra également de désenclaver Tindouf, via des infrastructures hydrauliques, ferroviaires et énergétiques en cours de développement.

Le président Tebboune a réitéré à plusieurs reprises que le futur économique de l’Algérie ne peut reposer que sur la transformation locale des ressources naturelles, et non sur l’exportation brute. L’objectif est donc de valoriser le fer extrait sous forme de produits finis et semi-finis : tôles, structures métalliques, pièces automobiles, rails, conteneurs, etc. Cela permettrait de renforcer la souveraineté industrielle et de créer une chaîne de valeur 100 % algérienne.

Un pari industriel audacieux mais réalisable

Le projet de Gara Djebilet incarne le tournant stratégique d’une Algérie qui mise sur ses ressources minières pour diversifier son économie. Sa réussite dépendra de la rigueur de l’exécution, de la continuité des investissements, mais surtout de l’alignement politique, industriel et technologique.

Ce n’est pas simplement un gisement de fer, mais un projet de souveraineté économique et un signal fort de la renaissance industrielle nationale.

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