
Schiaparelli s’inspire du karakou algérien sans le citer
Le karakou algérien réinventé par Schiaparelli sur les podiums de Paris — entre admiration et controverse.
Lors de la dernière édition de la Semaine de la haute couture à Paris, la célèbre maison de mode Schiaparelli a dévoilé une collection hivernale marquée par une inspiration saisissante : le karakou algérien. Une pièce emblématique du patrimoine vestimentaire algérois, connue pour son raffinement, sa coupe royale et ses détails brodés d’une extrême finesse.
C’est le directeur artistique de la maison, Daniel Roseberry, qui signe cette collection intitulée « Retour vers le futur », une série de créations luxueuses, présentées devant un parterre de célébrités dont Dua Lipa et Karol G. Le public a pu découvrir des silhouettes évoquant clairement le karakou, intégré dans plusieurs pièces à travers des coupes, des textures et des ornements rappelant ce vêtement traditionnel algérien.

Le karakou, entre passé et futur
Dans une vidéo publiée sur le compte Instagram de la marque, Daniel Roseberry confie s’être inspiré d’un retour imaginé vers le passé, qu’il qualifie de rupture avec la simplicité moderne, au profit de formes et de matières issues de traditions anciennes, revisitées dans un esprit résolument contemporain.
Cette démarche de « voyage temporel » n’est pas sans rappeler la vision de la créatrice algérienne Meryem Hani, qui avait elle aussi lancé récemment une collection intitulée « Héritage contemporain », mettant en lumière le karakou dans une lecture moderne. Les similitudes entre les deux collections sont frappantes, notamment dans les coupes, les palettes de couleurs et l’intention stylistique, orientée vers une valorisation du passé revisité.
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Le karakou : fierté de l’héritage algérien
Issu des salons raffinés de la Casbah d’Alger au XVIe siècle, le karakou s’inscrit dans la tradition de l’élégance féminine algérienne. Cousin du caftan, lui aussi d’origine algérienne, il représente l’essence du luxe vestimentaire féminin développé dans une ville qui fut, à l’époque ottomane, l’une des plus riches de la Méditerranée, aux côtés de Naples.
Le caftan, d’abord masculin et porté par les dignitaires ottomans, a été transformé par les femmes algéroises en un vêtement somptueux, brodé, orné et taillé dans des étoffes nobles. Ce style s’est par la suite décliné dans d’autres villes algériennes comme Constantine, Tlemcen, Annaba et Oran, donnant naissance à plusieurs variantes, dont le caftan du Cadi, riche en symbolique et en esthétique.
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Schiaparelli, l’art au service de la mode
Fondée à Paris en 1927 par Elsa Schiaparelli, la maison est réputée pour son audace et sa créativité. Schiaparelli a été parmi les premières à fusionner l’art et la mode, collaborant avec des icônes du surréalisme comme Salvador Dalí et Jean Cocteau. Aujourd’hui, sous la direction de Roseberry, la maison reste fidèle à cette tradition, en explorant de nouvelles formes d’inspiration culturelle.
L’intégration du karakou algérien dans une collection de haute couture française est une reconnaissance implicite de la richesse du patrimoine vestimentaire maghrébin, mais elle soulève aussi la question de l’appropriation culturelle et de la visibilité des créateurs originaires de ces cultures sur les grandes scènes internationales.
Le karakou algérien : de l’hommage à la récupération ?
Bien que cette mise en lumière puisse être perçue comme un hommage artistique, plusieurs voix s’élèvent pour appeler à plus de reconnaissance explicite de la part des grandes maisons de couture lorsqu’elles s’inspirent de cultures traditionnelles non occidentales.
Le journaliste Hamza Dabbah, à l’origine de cette révélation via ses réseaux sociaux, a justement dénoncé le manque de mention directe de l’origine algérienne du karakou dans la communication de Schiaparelli.
Ce débat fait écho à une autre polémique récente, lorsque Chanel avait intégré des éléments du costume naïli dans une de ses collections sans référence claire à l’Algérie.