Parcs Nationaux

Un journaliste et écrivain britannique ébloui par l’authenticité du Parc National du Tassili N’Ajjer (PHOTOS)

La beauté saisissante du Parc National du Tassili N’Ajjer captivante pour Un journaliste et écrivain britannique (PHOTOS)

Un phénomène amusant et avantageux pour le tourisme algérien prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux et Internet en général. Il s’agit d’un nombre proliférant de vlogueurs, de youtubeurs, de journalistes et visiteurs étrangers actifs sur le net qui viennent visiter l’Algérie et qui couronnent leurs visites par des vidéos, des articles et des rendus qui réchauffent le coeur et par lesquelles l’Algérie commence à trouver sa place parmi les destinations touristiques les plus convoitées dans le monde.

Henry Wismayer est l’un de ces prodigieux journalistes et écrivains qui sillonnent le monde en quête d’originalité et de singularité. Passionnés par les voyages décalés en Afrique, en Asie et au Moyen Orient, il parachève ses voyages par des reportages et des articles qui paraissent dans les plus grands journaux et magazines comme le New York Time, le Washington Post, Le UnHerd, the Wall Street Journal, The Atlantic, dans le National Geographic et bien d’autres. Ces écrits sont lus, admirés et récompensés dans le monde entier en étant traduits en une douzaine de langues.

Dans un reportage couvert par une agence de tourisme locale et publié dans le Lonely Planet, Henry Wismayer raconte avec émerveillement son voyage dans le sud de l’Algérie précisément au parc national du Tassili n’Ajjer.

Le parc national du Tassili N’Ajjer

Tassili N’Ajjer
Une arche naturelle au cœur de la région de Tadrart Rouge du parc national du Tassili N’Ajjer © Marcus Westberg

Situé dans le coin sud-est de l’Algérie, le parc national du Tassili n’Ajjer couvre 72 000 kilomètres carrés du désert du Sahara, ce qui le rend légèrement plus grand que l’Irlande. Ce Site est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité en 1982 vu sa valeur préhistorique hors norme. Ce site renferme plus de 15 000 dessins et gravures d’art rupestre datant de la préhistoire qui relatent l’évolution de la vie humaine dans l’une des régions les plus antiques du monde. Ce vaste espace de sculpture géologique avec ses forêts de roches, ses géants de pierres, ses montagnes tabulaires et ses dunes colossales de sable polychrome présente un atout surnaturel pour le tourisme et pour l’aspect pittoresque de la région.

A la découverte du Tassili

Tassili N’Ajjer
Des traces de pneus mènent à travers un champ de décombres vers les «forêts rocheuses» de la Tadrart Rouge © Marcus Westberg

“Sans le message d’un ami écrivain, je n’aurais pas trouvé mon chemin vers le Tassili”, admet Henry Wismayer qui reconnaît n’avoir jamais rencontré ce nom auparavant.

Au moment où le photographe Marcus Westberg et moi avons survolé l’intérieur du pays, le Tassili avait pris les dimensions d’un graal du voyageur. Dans mon esprit, cela semblait promettre quelque chose d’émancipateur et de surréaliste, l’envie d’avoir une portion géante de la planète pour nous seuls.

Nous avons atterri à Djanet par un après-midi brumeux. Notre guide, Abdessalam Ayoub, Salam en abrégé, nous attendait au carrousel à bagages. Salam était souple et conviviale. Il portait un foulard pourpre qui le désignait comme un Touareg, membre de la tribu berbère dominante du sud de l’Algérie. Nous avons sauté dans le robuste Land cruiser de son ami Lahcen Abadi et avons pris une route déserte mais goudronnée vers l’Est.

Notre guide explique en quittant l’aéroport que deux facteurs font que le Tassili nous apparaît obscure. Le premier est géographique dû au fait que le Tassili se situe en plein milieu de l’immense Sahara et le deuxième est géopolitique dû à sa proximité des deux pays en proie aux dysfonctionnements politiques à savoir la Libye et le Niger.

“Avant, il y avait des randonnées à dos de chameau là-haut”, a déclaré Salam, désignant le plateau de Tamrit, un escarpement monumental, qui est actuellement interdit par mesure de sécurité.

Notre destination n’en était pas moins intéressante, nous a assuré Salem. Nous nous dirigeons plus au Sud, vers une région de cette immense nature sauvage qui, bien que proche de la frontière libyenne, est sécurisée. Cet endroit est connu sous le nom de Tadrart Rouge.

Le rocher “le Hérisson”

Tassili N’Ajjer
À GAUCHE : « Le Hérisson », parmi les formations rocheuses les plus remarquables du Tassili N’Ajjer ; DROITE : Du haut des plus grandes dunes du parc, des pinacles de grès semblent s’étendre à l’infini © Marcus Westberg

Au bout d’une arcade d’affleurement roux, se dresse l’une des merveilles géologiques du Tassili nommée le Hérisson. Son dôme le plus élevé est une carapace de pierre froissée. Son poids impressionnant est soutenu par trois colonnes grattées par des éternités de vents et de pluie. Un museau trapu qui semble renifler l’air est tourné de travers. Ce spectacle effarant peut mettre en doute qu’un morceau de roche ait pu être sculpté en cette forme par de simples facteurs naturels. Mais ensuite, tout semblait extravagant après deux jours au Tassili N’Ajjer, où ce genre d’art naturel devenait commun.

Dans les forêts rocheuses

Tassili N’Ajjer
Trois vues de « La cathédrale », où plusieurs grandes ouvertures ont été érodées à travers une série de buttes © Marcus Westberg

Ce qui vous saisit immédiatement, c’est le relief étonnant et le spectre des formes verticales.D’imposantes buttes jaillissent de plaines de gravier. Des cascades de roches brunes qui ressemblent à du cacao non tamisé offrent un paysage spectaculaire. De larges étendues de sable mènent à des amphithéâtres de roches imposantes. Plusieurs grottes perforent les mesas.

Les crêtes, exposées à toute la force sculpturale du vent, se présentent comme une galerie d’arcs, de colonnes et de balcons. Cette variété infinie de formes et de silhouettes transforme le paysage en un spectacle de paréidolie où le cerveau interprète les formes à sa guise.

Quelques kilomètres après le poste de contrôle appelé “la porte”, qui désignait l’entrée de la région Tadrart Rouge, nous nous sommes rapprochés de ce qui ressemblait à première vue à une dalle nue au pied d’une falaise. Ce n’est qu’en scrutant cette plateforme que nous découvrons les images qui représentent un troupeau de vaches, des chasseurs athlétiques courant derrière des porcs, une girafe allongée sur le dos avec une peau finement tachetée. C’était pour nous, le début de la découverte de l’une des plus importantes collections d’œuvres d’art rupestres préhistoriques du monde.

Certaines de ces œuvres sont réalisées avec du grès de l’oxyde broyé et mélangé à des agents liants tel le sang ou le lait de vache. D’autres plus élégantes et plus durables, sont minutieusement gravées sur des rochers avec une pierre arrondie.

Les plus anciennes, dont certaines dateraient d’il y a 10 000 ans, représentent la mégafaune comme des éléphants, des girafes, des lions, ce qui révèle que le désert d’aujourd’hui était autrefois une prairie fertile. Plus tard, les pasteurs néolithiques ont colonisé la terre et laissé à leur tour d’élégants glyphes du bétail qu’ils élevaient dans la savane qui commençait à disparaître. D’autres représentations plus récentes, représentent des chameaux, qui symbolisent la vie austère et semi-nomade dont hériteraient les Touareg.

Merveilles révélées

Tassili N’Ajjer
Salam décrit la légende des « vaches qui pleurent », l’une des œuvres les plus célèbres du Tassili N’Ajjer © Marcus Westberg

A mesure de m’attarder dans cet endroit unique, je me rendais compte de sa singularité et de sa valeur qui rivalise avec les grands paysages grandioses du monde à l’instar de l’antarctique, la patagonie, l’Himalaya où la désolation prend la forme d’une humiliante beauté.

A la fin de notre deuxième jour dans le désert, nous avons campé à Moula Naga à côté d’un puits de roche en forme de tête de chameau d’où nous avons admiré, malgré la poussière orange qui remplissait le ciel à cause des vents de sirocco venus du Maroc, le soleil qui prend l’aspect d’un faible orbe argenté, une demi-heure avant d’atteindre l’horizon.

Le lendemain matin, après dissipation des poussières, nous nous sommes précipités, moi et Marcus vers “ La cathédral”, une vaste plaine entourée des deux côtés par des tours rocheuses avec des ouvertures de 50 pieds de haut percées dans les parties supérieures. Hier, ces fenêtres divines étaient apparues fades et spectres derrière les poussières, aujourd’hui elles se tiennent parfaitement contre un ciel d’un bleu profond.

Dans une promenade vers le sud, à travers un bassin de vallée asséché, nous découvrons les traces d’une étendue d’eau formée par les eaux de pluies d’été et qui servait d’escale pour les oiseaux migrateurs.

Les activités de la nuit précédentes ont été transcrites sur les basses dunes où on voyait des traces de scarabée sur le sable, les griffes d’un corbeau, les empreintes de pattes d’un chacal et bien d’autres animaux rôdeurs.

Tassili N’Ajjer
L’auteur se tient sur une crête de sable lors de la montée de Tin Merzouga, l’une des plus grandes dunes du Tassili © Marcus Westberg

La journée fut remplie de découvertes merveilleuses. Nous avons admiré des glyphes énigmatiques d’une époque antérieure à l’écriture. Le grès est façonné en toutes formes et tailles imaginables. Des cailloux comme des champignons. Les rochers sous forme d’arcades paraboliques parfaites, d’autres hauts tels des gratte-ciel ou des vaisseaux spatiaux, et d’autres encore plus absurdes qui prennent la forme d’un animal géant.

Le soir fut délicieux, quand nous nous sommes installés, Marcus et moi, sur la crête de 304 mètres de la géante dune orange de Tin Merzouga, d’où nous avons obtenu un aperçu extraterrestre des plaines que nous avions passé la journée à explorer. Des remparts serrés s’étendaient jusqu’à l’horizon. Les couleurs s’accentuaient avec le soleil couchant.De l’autre côté, vers le nord-est, des dunes de terre cuite ondulaient jusqu’en Libye, à seulement 20 kilomètres.

C’est à ce moment-là que je réalise l’attrait insoupçonnable du désert. Tout paraissait à la fois admirablement calme et incertain. Tout le tableau roulant et s’érodant, grain par grain, s’écoulant à une échelle trop graduelle pour que les humains puissent l’apercevoir.

J’avais passé une grande partie de la journée à considérer l’histoire humaine racontée à travers cet art rupestre, seulement pour la sentir se réduire à un point d’épingle face à l’autre chronologie du désert, l’arc vertigineux du temps géologique.

Où le désert signifie liberté

Tassili N’Ajjer
À GAUCHE : Salam s’approche d’un bassin de vallée ; le sable plus clair montre l’étendue de la portée de l’eau pendant les pluies saisonnières. DROITE : Le fruit de la coloquinte, connu familièrement sous le nom de « melon du désert », prolifère dans les bassins de la vallée © Marcus Westberg

Pour les trois jours suivants, une certaine routine s’est installée, nous choisissons un endroit particulièrement beau du parc pour décamper. Marcus et moi nous promenons dans des vallées, sous et sur des inselbergs à sommet plat, observant au loin jusqu’où nous pouvions aller. Ces expéditions nous offraient des perspectives toujours plus larges et des découvertes incessantes. L’entourage était parsemé de tessons de poterie pointillés, de fossiles de plantes et d’organismes simples vieux de plusieurs millénaires.

Au sein de notre équipe régnait un esprit de camaraderie et de convivialité puisé de l’attitude d’accueil et du partage naturelle chez les nomades caractérisée en la personne de zaoui qui nous régalait avec son thé épais, son aliwa délicieux et d’autres plats typiques de la région.

Lahcen, quant à lui, incarne la tranquillité, la sagesse et la bienveillance. L’aîné de nos trois compagnons connaît bien le désert et juge que le tourisme est une nécessité, la diversification évidente d’une culture nomade soucieuse de maintenir son affinité spirituelle avec le Sahara. Lahcen craint une exode massive vers le nord vu que la plupart des jeunes touareg ne veulent plus vivre en nomade. Il appréhende un avenir qui serait témoin d’une tragédie indigène universelle.

Un paradis perdu

Tassili N’Ajjer
DANS LE SENS HORAIRE A PARTIR DU HAUT : Petit-déjeuner à la périphérie de la région de Tadrart Rouge ; Salam détient d’anciens tessons de poterie collectés au cours d’un après-midi dans la Tadrart Rouge; Le chef Zaoui construit un cairn au sommet d’un promontoire bas © Marcus Westberg

Après six jours à rouler sur du gravier et du sable, nous reprenons la route goudronnée. Sur le chemin de retour vers Djanet, nous effectuons un dernier pèlerinage dans une agglomération d’affleurements, à environ un mile de la route, pour scruter une gravure célèbre et connue sous le nom de “les vaches qui pleurent”. La gravure représentait un troupeau de vaches aux longues cornes, la tête inclinée tournée vers le spectateur, d’un œil de chaque vache coulait une seule larme. La légende dit que ces vaches venaient s’abreuver dans une guelta qui s’est asséchée au fil du temps. Les larmes de ces vaches étaient le propre desespoire de l’artiste alors qu’il regardait ces animaux périr un par un.

Le journaliste quitte le Tassili chargé de réflexions paradoxales sur cet endroit magique qui a peut-être d’une certaine manière trahi les siens autrefois mais qui représente actuellement un sanctuaire qui immortalise leur passage éphémère dans cette vie.

Tassili N’Ajjer
Lahcen, Zaoui et Salam discutent autour du feu de camp au crépuscule © Marcus Westberg

Bouton retour en haut de la page