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Izourane Algérie : Trois femmes pour raviver l’âme des villages algériens

Chez Izourane Algérie, elles ne construisent pas que des murs, elles restaurent une mémoire algérienne

Au cœur des montagnes de Kabylie, un souffle d’espoir et de savoir-faire ancestral renaît grâce à l’audace et la vision de trois jeunes femmes. À travers leur initiative Izourane Algérie – qui signifie racines en tamazight – Rafika Mokhtari, Nafissa Lazri et Manel Djoulane ont choisi de renouer avec l’architecture traditionnelle pour sauvegarder un patrimoine en voie de disparition. Leur mission : réhabiliter les maisons anciennes tout en formant une nouvelle génération d’architectes aux techniques de construction écologiques et durables.

Un chantier-école au service de la mémoire bâtie

Le village historique d’Ighil Imoula, chargé de symboles dans l’histoire de l’Algérie, accueille un projet pas comme les autres. Une maison abandonnée, construite selon les techniques traditionnelles du pisé et de la pierre sèche, est aujourd’hui au cœur d’un chantier-école. L’objectif : restaurer, transmettre et valoriser.

Sous la houlette de Rafika, architecte spécialisée en patrimoine, de Nafissa, experte en design intérieur, et de Manel, ingénieure en génie civil, cette maison deviendra à terme une table d’hôte. Une manière de concilier réhabilitation et développement local : à la fin des travaux, le propriétaire, qui a cédé l’usage de sa maison pour 5 ans à titre gracieux, pourra en tirer profit.

Ce modèle, déjà expérimenté en 2022 dans le village de Kala Ath Abbas, démontre qu’une économie sociale et culturelle est possible en s’appuyant sur le patrimoine rural.

Construire comme avant, pour bâtir l’avenir

La maison en question comporte trois espaces typiques de l’habitat traditionnel kabyle : la taqaat (espace de vie et de cuisine), la addaynine (étable pour les animaux) et la taarichet (chambre à l’étage). Elle est bâtie en pisé, une technique millénaire de compactage de terre crue dans un coffrage en bois (banche). Ce procédé offre de nombreux avantages : il utilise des matériaux locaux, est peu énergivore, offre un excellent confort thermique et une isolation phonique naturelle.

« Le pisé, c’est l’écologie avant l’heure », souligne Rafika. Les couches de terre sont préparées avec soin, humidifiées, puis compactées avec des outils manuels comme la dameuse. Une fois séchés, les blocs forment des murs massifs, parfois renforcés avec du bois ou de la pierre selon les besoins structurels.

Outre la solidité, c’est tout un savoir-faire qui ressurgit : l’utilisation des jarres Ikkoufen, la fabrication artisanale des toits en bois, l’adaptation aux conditions climatiques locales.

Héritage en danger, savoirs à transmettre

Les villages de montagne, souvent oubliés, sont pourtant les gardiens d’un mode de vie où chaque geste, chaque matériau a un sens. Mais l’exode rural, le manque d’entretien et l’absence de politiques de conservation ont mené à l’abandon de ces trésors d’architecture.

Izourane Algérie a choisi de ne pas rester spectatrice. L’équipe collecte les récits et savoirs auprès des anciens, documente les méthodes, organise des formations pratiques et sensibilise les jeunes architectes à l’importance de cette architecture vernaculaire. Ces jeunes femmes ne se contentent pas de restaurer des murs, elles reconstruisent un lien entre passé et avenir.

Une table d’hôte, symbole de renaissance

En réhabilitant ces maisons, Izourane leur donne une seconde vie, non pas figée dans le passé, mais réinventée pour un usage moderne et durable. La maison d’Ighil Imoula accueillera bientôt des visiteurs dans une atmosphère authentique, propice à la découverte du terroir, de la cuisine locale et du patrimoine immatériel.

Ce modèle peut être répliqué ailleurs. Avec plus de 500 villages enclavés en Algérie, les opportunités sont nombreuses. Mais il faut des volontés, des moyens… et surtout des mains comme celles de Rafika, Nafissa et Manel.

Redonner racines à l’Algérie

Izourane, ce sont des racines qui s’enfoncent profondément dans la mémoire du territoire, pour mieux faire germer l’avenir. Dans un pays riche d’une diversité culturelle exceptionnelle, ce projet démontre qu’en valorisant le patrimoine, on peut aussi créer des opportunités économiques, sociales et touristiques.

L’histoire d’Izourane Algérie est une leçon d’optimisme, d’engagement et d’intelligence collective. Et elle ne fait que commencer.

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