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Rachid Bouchareb dévoile Reggane, un film sur les essais nucléaires français dans le Sahara

Un réalisateur engagé porte à l’écran une page méconnue des essais nucléaires français au Sahara.

Lors de la cinquième édition du Red Sea International Film Festival à Djeddah, le réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb a captivé l’attention internationale en annonçant le sujet de son prochain long métrage, intitulé Reggane. Ce projet audacieux s’intéresse aux essais nucléaires français qui ont eu lieu dans le désert du Sahara algérien pendant les années 1960, et promet de porter à l’écran une page méconnue et controversée de l’histoire coloniale.

Un projet cinématographique qui suscite l’intérêt mondial

Présent à Djeddah pour recevoir le Prix de la Consécration pour l’ensemble de sa carrière, Bouchareb a profité de l’événement international pour dévoiler les grandes lignes de son prochain film. L’annonce, faite à un public cosmopolite de professionnels du cinéma, a immédiatement suscité l’intérêt de producteurs du monde entier — notamment du Japon et des États-Unis. Ces derniers voient dans ce film un potentiel narratif et commercial, notamment après le succès de productions récentes axées sur l’histoire nucléaire mondiale.

Reggane : un récit enraciné dans l’histoire saharienne

Reggane s’inspire d’un épisode tragique : les essais nucléaires que l’armée française a conduits dans le Sahara algérien à partir de 1960, alors que l’Algérie se battait pour son indépendance et que, malgré les Accords d’Évian de 1962, certains essais se sont poursuivis jusqu’en 1966.

Reggane
Le général Jean Thiry présente l’explosion de la troisième bombe atomique française sur le polygone d’essai de Reggane, au Sahara, en décembre 1960. – / AFP

À travers le regard d’un berger algérien dont le troupeau est réquisitionné par l’armée pour travailler sur une base militaire, le film explorera les interactions entre ouvriers locaux, nomades touaregs, scientifiques et soldats français. Cette approche humaine vise à mettre en lumière les expériences vécues par ceux qui ont été affectés par ces essais, une histoire longtemps absente des récits officiels.

Des archives pour étayer la mémoire

Avant même le tournage de Reggane, Bouchareb a réalisé un court-métrage documentaire composé d’images d’archives d’époque montrant la réalité des essais et la façon dont ils ont été présentés par les responsables politiques français. Ces documents, notamment des commentaires de dirigeants comme le général de Gaulle, illustrent à quel point la narration officielle occulte des aspects essentiels, notamment la présence et le rôle des Algériens dans ces événements.

Une production internationale avec une identité algérienne

Alors que des négociations sont en cours avec des sociétés de production américaines, japonaises, européennes et moyen-orientales, Bouchareb souhaite maintenir une forte identité algérienne pour ce film. Il a expliqué qu’il voulait échapper aux contraintes linguistiques et institutionnelles liées au système français de financement du cinéma, afin d’assurer une plus grande liberté artistique.

La distribution appelle à un casting en Algérie, avec des talents locaux, et le rôle principal devrait être interprété par l’acteur Sami Bouajila, déjà pressenti pour incarner le protagoniste. D’autres rôles clés sont en pourparlers avec des actrices de renom, notamment pour représenter le point de vue touareg dans l’histoire.

Un film qui vise à réparer l’oubli

Pour Bouchareb, ce projet est un prolongement logique de son travail précédent, y compris du film Indigènes (2006), qui avait donné une voix aux soldats maghrébins engagés pendant la Seconde Guerre mondiale. Il souhaite avec Reggane non seulement raconter une histoire captivante, mais corriger un oubli historique en montrant l’impact humain et environnemental des explosions nucléaires dans le Sahara, où des explosions ont parfois été d’une puissance bien supérieure à celle utilisée sur Hiroshima.

Le réalisateur a également souligné que la France devrait reconnaître ces épisodes non seulement comme des faits historiques, mais comme des événements marquants ayant laissé des traces durables sur les populations et l’environnement.

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