
Censuré en France, le documentaire sur les armes chimiques en Algérie diffusé par l’ENTV
Un documentaire qui révèle une page sombre de l'histoire : l'utilisation d'armes chimiques en Algérie.
La guerre d’Algérie continue de dévoiler ses zones d’ombre, et le documentaire « Algérie, sections armes spéciales », réalisé par Claire Billet, en est une nouvelle illustration poignante. Alors que de nombreux spectateurs, en Algérie comme à l’étranger, étaient à la recherche d’une plateforme pour visionner ce film événement, la Télévision algérienne (ENTV) a pris les devants en annonçant sa diffusion.
Un film déprogrammé par France 5
Initialement prévu pour une diffusion sur la chaîne France 5 le 16 mars, le documentaire de 53 minutes a été subitement déprogrammé par la chaîne française le 11 mars, à la surprise générale.
France 5 a justifié cette décision par une modification de sa grille de programmes en raison de l’actualité internationale, préférant rediffuser des documentaires consacrés à l’influence russe sur les élections américaines et sur le peuple russe. Face à la vague d’indignation qui a suivi cette déprogrammation, la chaîne a indiqué que le documentaire sur les armes chimiques en Algérie serait diffusé ultérieurement, sans toutefois fixer de date.
Une censure masquée ?
Ce changement de programme aurait pu passer inaperçu dans un autre contexte, mais il survient alors que les relations entre l’Algérie et la France sont marquées par des tensions récurrentes autour des crimes coloniaux. Nombreux sont ceux qui y voient une forme de censure visant à minimiser les crimes de guerre commis par l’armée française.
L’historien français Fabrice Riceputi a ainsi réagi sur les réseaux sociaux en déclarant : « La diffusion (…) de ce film événement, prévue le 16 mars, a été déprogrammée par France Télévision. Pour l’heure, pas de nouvelle date. No comment ».
Une enquête approfondie sur un sujet tabou
Le documentaire suscite un intérêt particulier, car il aborde pour la première fois de manière aussi détaillée l’usage d’armes chimiques par l’armée française en Algérie entre 1956 et 1962. La réalisatrice Claire Billet s’est appuyée sur les témoignages de soldats français, de résistants algériens et de civils, ainsi que sur les travaux de l’historien Christophe Lafay, spécialiste de la guerre d’Algérie et enseignant-chercheur à l’université d’Aix-Marseille.

Selon les archives et les témoignages recueillis, au moins 450 opérations impliquant l’utilisation d’armes chimiques auraient été menées par l’armée française, notamment contre des combattants de l’ALN retranchés dans des grottes en Kabylie et dans les Aurès.
Un succès croissant malgré les obstacles
Malgré sa déprogrammation en France, le documentaire a été diffusé le 9 mars sur la chaîne suisse RTS. Cependant, cette chaîne n’étant pas accessible partout, de nombreux spectateurs en Algérie et ailleurs n’ont pas pu le visionner. Disponible sur le site de la RTS, son accès reste limité à certaines régions, rendant parfois l’utilisation d’un VPN nécessaire.
Face à cette difficulté, certains internautes ont pris l’initiative de télécharger le documentaire et de le partager sur les réseaux sociaux. Une manière d’assurer sa diffusion au plus grand nombre, malgré les obstacles rencontrés.
Youtube et L’ENTV, des alternatives pour le public algérien
Pour le public algérien, l’ENTV a rapidement réagi en annonçant la diffusion du documentaire sur ses chaînes ce mercredi 12 mars à partir de 22h30.
On ignore si la chaîne publique algérienne avait acquis le film bien avant cette polémique ou si elle a réagi en urgence à la déprogrammation de France 5. Quoi qu’il en soit, cette initiative permet de garantir l’accès à ce témoignage essentiel sur une page sombre de l’histoire coloniale française en Algérie.