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Essais nucléaires en Algérie : la menace radioactive continue de hanter le Sahara

Reggane et In Ekker, deux sites emblématiques où 17 explosions nucléaires ont été menées entre 1960 et 1966.

Plus de soixante ans après les Essais nucléaires menées par la France coloniale dans le Sahara algérien, les séquelles continuent de se révéler, parfois de manière inquiétante. Malgré les décennies qui se sont écoulées, le spectre de la radioactivité hante encore les sols, les plantes, les animaux et potentiellement les populations vivant à proximité des anciens sites d’essais.

Lors d’une conférence donnée récemment à la Bibliothèque nationale d’Alger – El Hamma, le professeur Ali Meftah, enseignant à l’université de Skikda et membre fondateur de l’Académie algérienne des sciences et technologies, a dressé un état des lieux alarmant, appelant à une action urgente et méthodique pour faire face à un héritage environnemental et sanitaire d’une ampleur exceptionnelle.

Un héritage radioactif qui pourrait durer encore 240 ans

Selon le Pr Meftah, les régions de Reggane et In Ekker, où la France a procédé à 17 essais nucléaires entre 1960 et 1966, renferment encore des composants radioactifs particulièrement dangereux dont la durée d’activité s’étend, pour certains isotopes, jusqu’à 240 ans.

Ces matériaux, disséminés dans le sable, les roches, les nappes phréatiques ou transportés par le vent, continuent de représenter un risque direct ou indirect pour les habitants du Sud :

  • contamination des sols,

  • infiltration dans les eaux souterraines,

  • transfert dans la chaîne alimentaire,

  • exposition chronique aux poussières radioactives.

Le professeur insiste : avant toute opération de dépollution, il est indispensable d’identifier précisément la nature et la localisation des contaminants présents dans le désert.

Des zones d’essais dont les secrets restent encore enfermés dans les archives françaises

Pour mener une évaluation complète, la recherche algérienne doit s’appuyer sur un partenariat scientifique de long terme. Mais un élément essentiel manque encore :

La carte officielle des lieux où la France a enfoui ou abandonné des déchets radioactifs :
camions, avions, véhicules, pièces militaires, restes métalliques contaminés…

Le Pr Meftah rappelle que sans cette documentation, les opérations de repérage et d’analyse deviennent un casse-tête technique, coûteux, et parfois dangereux.

Des risques pour les cultures, les animaux et la chaîne alimentaire

L’un des points les plus préoccupants évoqués par le conférencier concerne l’impact potentiel sur les productions locales et les aliments consommés quotidiennement dans le Sud algérien. Il recommande une surveillance rigoureuse de :

  • la terre arable,

  • les légumes, fruits et plantes fourragères,

  • les troupeaux (chèvres, moutons, bovins),

  • le lait et les viandes,

  • les eaux potables,

  • et même les repas servis dans les cantines scolaires.

Certaines particules radioactives peuvent être transportées par le vent ou par les eaux souterraines, puis se fixer sur les plantations ou contaminer les pâturages. Une fois dans l’alimentation, elles deviennent un danger invisible, aux effets cumulés et parfois irréversibles.

Une pollution qui dépasse les frontières

Les essais nucléaires atmosphériques réalisés dans les années 1960 n’ont pas seulement touché le Sahara.
Le Pr Meftah rappelle que les retombées radioactives ont été détectées :

  • en Afrique du Nord,

  • en Afrique subsaharienne,

  • mais aussi en Europe, notamment en Espagne et en Sicile.

Ces constats confirment la violence des explosions aériennes françaises et la portée internationale de leur contamination.

Un travail scientifique minutieux pour reconstituer l’histoire des explosions

Un groupe de chercheurs algériens travaille aujourd’hui à collecter chaque photo, chaque vidéo, chaque témoignage disponible sur Internet concernant les explosions nucléaires françaises.
L’objectif : reconstituer une cartographie précise et exploitable des zones affectées.

Le Pr Meftah souligne que toute information, même minime, peut aider à cerner l’emplacement des débris radioactifs et des zones dangereuses.
Ces observations doivent ensuite être croisées avec des mesures scientifiques pour établir une vision globale du risque.

Un appel national à l’action et à la transparence

Le professeur plaide pour :

  • une réévaluation complète des conséquences environnementales, humaines et sanitaires,

  • une stratégie nationale claire pour sécuriser, surveiller et dépolluer les anciennes zones d’essais,

  • et une pression diplomatique renouvelée pour obtenir les documents et relevés techniques détenus par la France.

Selon lui, il est urgent de bâtir une politique coordonnée impliquant chercheurs, autorités locales, ministères, climatologues, agronomes et spécialistes en radioprotection.

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