
La langue française évincée des billets d’Air Algérie (VIDÉO)
Une page se tourne : Air Algérie rejoint les compagnies arabes en supprimant le français
Dans une décision qui fait couler beaucoup d’encre, Air Algérie a officiellement éliminé la langue française de ses billets d’avion, ne conservant que l’arabe et l’anglais. Ce changement intervient dans un contexte diplomatique tendu entre Alger et Paris, soulevant des questions sur ses véritables motivations.
Une décision technique justifiée
Abdelkader Slimani, responsable des affaires publiques d’Air Algérie, a justifié cette décision comme une démarche de rationalisation conforme aux standards internationaux du transport aérien. « L’anglais demeure la lingua franca incontournable dans notre secteur, tandis que l’arabe facilite nos relations commerciales avec les compagnies partenaires du monde arabe », a-t-il expliqué lors d’un entretien accordé à la chaîne Echourouk.
Et d’ajouter : « Cette mesure ne fait que nous aligner sur les pratiques déjà en vigueur chez la majorité des transporteurs aériens arabes et internationaux. » Cette position officielle souligne une volonté affichée de modernisation, tout en maintenant un équilibre entre universalité et spécificité régionale.
Une politique d’arabisation progressive
Ce virage linguistique s’inscrit dans une politique plus large initiée dès 2022. Air Algérie a en effet engagé une profonde transformation de ses pratiques linguistiques internes : correspondance administrative entièrement arabisée, élimination progressive du français dans les échanges internes, et adoption systématique de l’arabe pour toute communication émanant de la direction générale.
« Cette uniformisation linguistique permet à la fois d’affirmer notre identité nationale et de rationaliser nos procédures opérationnelles », précise un représentant officiel de la compagnie. Cette stratégie globale témoigne d’une volonté délibérée d’alignement sur les normes linguistiques en vigueur dans le monde arabe, tout en répondant à des impératifs de souveraineté culturelle.
Contexte diplomatique inflammable
Le timing de cette annonce est particulièrement sensible alors que :
- La France menace de sanctions contre Air Algérie
- Les relations bilatérales traversent une crise sans précédent
- Le contentieux sur les expulsions de migrants algériens s’envenime
Le ministre français de l’Intérieur a récemment accusé la compagnie de « freiner délibérément les expulsions ».
Quelles conséquences pratiques ?
La décision d’Air Algérie suscite des interrogations parmi les experts de l’aviation civile, qui pointent plusieurs enjeux clés :
- Accessibilité pour la clientèle francophone – Avec près de 30 % des passagers habituellement servis en français, la suppression brutale de cette langue pourrait complexifier l’expérience des voyageurs, notamment sur les lignes domestiques et les vols à destination de l’Afrique subsaharienne.
- Intégration technique – Les systèmes de réservation mondiaux (Amadeus, Sabre) fonctionnent majoritairement en anglais, mais les interfaces clients des aérogets algériens devront être adaptées pour garantir une transition fluide, sans risque de confusion dans les informations voyageurs.
- Impact commercial sur le marché français – La France représentant la première destination internationale d’Air Algérie (40 % du trafic européen), l’absence de français pourrait désavantager la compagnie face à des concurrents comme Air France ou Transavia, qui maintiennent un service bilingue.
« Une telle décision nécessite une phase transitoire bien gérée pour éviter les ruptures de service », souligne un consultant en transport aérien sous couvert d’anonymat. « Le risque est de mécontenter à la fois les passagers occasionnels et les partenaires techniques. »
Cette réforme linguistique, bien que symboliquement forte, devra donc concilier souveraineté culturelle et impératifs opérationnels dans un secteur où la clarté de l’information est cruciale.
Analyse : au-delà de la langue, un message politique
Si Air Algérie présente cette réforme comme une simple modernisation opérationnelle, les analystes géopolitiques y décèlent des enjeux bien plus stratégiques :
- L’arme linguistique dans les tensions algéro-françaises
La suppression du français intervient dans un contexte diplomatique glacial, marqué par la crise des visas et les contentieux migratoires. Certains y voient une réponse symbolique aux pressions françaises, transformant les billets d’avion en nouveau champ de bataille culturel. - L’affirmation d’une souveraineté postcoloniale
Ce choix s’inscrit dans la politique d’« algérianisation » menée depuis 2022, où chaque retrait du français est érigé en acte de réappropriation nationale. Une démarche qui dépasse le cadre aéronautique pour toucher à l’identité même du pays. - Un message à la communauté internationale
En adoptant le duo arabe-anglais, Alger envoie un signal clair : son ancrage dans le monde arabe tout en revendiquant sa place dans la globalisation, contournant ainsi l’héritage linguistique colonial.
« Derrière chaque mot se cache un rapport de force », commente un diplomate européen sous couvert d’anonymat. « Ce qui se joue ici, c’est la redéfinition des sphères d’influence en Méditerranée. »
La véritable question reste cependant son impact concret : cette mesure symbolique suffira-t-elle à modifier l’équilibre des forces, ou risque-t-elle au contraire d’isoler davantage la compagnie sur un marché aérien toujours dominé par les standards occidentaux ?